L'exil forcé de Prigojine en Biélorussie est peut-être lié au besoin (perpétuel) de lumière d'Alexandre Loukachenko. Le président biélorusse aurait offert son hospitalité au renié Prigojine par simple besoin de reconnaissance, selon des sources proches du Kremlin citées dans divers médias russes.
Une bouée de sauvetage qui s'est muée en totem de protection. Dmitri Peskov annonçait que, à la suite des négociations avec le président Alexandre Loukachenko, les poursuites pénales contre le chef du groupe Wagner seraient abandonnées et un aller simple offert pour la Biélorussie afin de se sauver des châtiments vindicatifs fomentés par les sbires du tsar.
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Derrière cette rébellion qui a bousculé les lignes russes, le média Meduza dessinait les coulisses qui ont mené à cette révolte des Wagner. Le 23 et 24 juin, le Kremlin et Prigojine ont tenté de trouver un terrain d'entente. Les premiers échanges ont eu lieu le soir du 23 juin. Le boss Wagner a formulé des demandes qualifiées de «vagues» par des sources au Kremlin, ordonnant le limogeage immédiat de Sergueï Choïgou et plus de financements pour son armée de mercenaires.
Selon des sources de Meduza proches du Kremlin, à midi le 24 juin, Prigogine s'est époumoné à contacter lui-même le Kremlin. Il aurait même «essayé d'appeler Poutine en personne, mais le président n'a pas voulu décrocher le combiné».
Mais cette vengeance contre son ou ses persécuteurs s'est retournée contre lui. Plusieurs sources interrogées par Meduza expliquent que Prigojine s'est rendu compte qu'il était allé trop loin dans son entreprise. D'autres informations font état, selon le média Svobodnaïa Pressa, que Prigojine aurait opéré en sous-main avec des noms bien placés:
Le New York Times, citant des responsables américains, écrivait que d'autres généraux russes pourraient également avoir soutenu la tentative de soulèvement. Des signes qui ne trompent pas. Le nom qui imprègne ces idées aurait comme identité: le général Surovikin. Un chef militaire haut gradé, rétrogradé par le pouvoir en janvier (considérée comme un coup porté à Prigojine), aurait conservé de son influence dans la conduite des opérations de guerre et demeure une figure populaire parmi les forces russes.
Le quotidien new-yorkais déclare même que de hauts responsables américains suggèrent «qu'une alliance entre le général Surovikin et le chef des Wagner pourrait expliquer pourquoi le "traître" Prigogine respire encore».
Outre les alliances internes, c'est apparemment Loukachenko qui a convaincu Prigogine de se retirer, selon les représentants officiels de Minsk. D'autres hauts responsables auraient été mis dans la boucle, pour négocier le repli des forces Wagner. Le chef de cabinet du Kremlin Anton Vaino, le secrétaire du Conseil de sécurité russe Nikolaï Patroushev et l'ambassadeur de Russie en Biélorussie Boris Gryzlov étaient parties prenantes pour avorter cette tentative de putsch. Or, c'est bien le président Loukachenko qui aurait stoppé l'hémorragie.
«Il a été expulsé de Russie. Le président ne lui pardonnera pas». Surtout, les demandes insistantes de Prigojine à voir un gros coup de balai dans les hautes sphères du Kremlin sont restées lettre morte: «Poutine ne plie presque jamais sous la pression», assure une source au média russe.
Des missives et des bisbilles, que le Kremlin n'a pas su contenir, se ridiculisant face au monde entier. Mais les Wagner vont devenir utiles pour Loukachenko, comme l'affirme le portail d'informations russe News.ru.
Leurs connaissances du champ de bataille sont, selon Loukachenko lui-même, «inestimable» pour l'armée biélorusse. «Ils vous parleront des armes: lesquelles ont bien fonctionné et celles qui n'ont pas fonctionné. Et des tactiques, des armes; comment attaquer et comment se défendre».
Prigojine et ses troupes auraient posé leur matériel aux abords de la frontière, dans la région de Moguilev, à 200 kilomètres de la frontière avec l'Ukraine. Loukachenko a partiellement démenti cette information, rappelant qu'une partie de l'armée Wagner restait basée dans leur camp à Lougansk.
D'autres informations diffusées sur des canaux Telegram, relayant une source à Minsk, explique que la base biélorusse de Wagner deviendrait juste une base de transit, là même où des mercenaires profiteront «de loisirs et de s'entraîner sans armes».
Si la migration des Wagner donne un peu de répit au Kremlin, les pays voisins sont sur le qui-vive. La Pologne a qualifié ce redéploiement de «signal négatif», par l'intermédiaire de son président polonais Andrzej Duda.
le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis appelait à la vigilance compte tenu de «l'imprévisibilité croissante» du climat actuel.
L'Otan s'est également prononcée, se disant prête à se défendre contre toute menace en provenance de «Moscou ou de Minsk», a affirmé, mardi, le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Jens Stoltenberg.
Dernier élément cocasse, la Biélorussie elle-même avait connu une forme de déstabilisation par les hommes de Prigojine. Les relations entre les deux parties avaient tourné au vinaigre en juillet 2020, quand 33 combattants de Wagner avaient été arrêtés dans un hôtel de Minsk, accusés de vouloir déstabiliser le pays pendant la campagne présidentielle.